Lettre à un père...
Je viens tout juste de raccrocher le combiné téléphonique. Au bout du fil, mon père qui avait visiblement un grand besoin de s'épancher sur son triste sort. Je suis le 2ème de ses 3 fils, le seul à vivre à quelques milliers de kilomètres de lui. Et lui de me dire : "J'ai parfois l'impression de trop voir tes 2 frères et de ne pas te voir assez".
La séparation d'avec ma mère après 35 ans de vie commune il y a un an et demi environ, la perte de son travail il y a quelques mois (après 2 ans de dépression se traduisant par une incapacité chronique à exercer ses fonctions de juriste), le sentiment d'inutilité sociale, d'abandon qui en ont résulté, sont autant d'éléments qui aujourd'hui poussent mon paternel à tenir des discours aussi douloureux que pénibles à entendre.
Nos parents ont toujours été nos modèles, nos guides, ceux qui nous ont mis le pied à l'étrier et ont fait de leur mieux pour nous aider à nous construire et voler de nos propres ailes. Si la séparation de mes parents après plus de 30 ans de mariage a été un choc, les pensées moroses de mon père ont parfois l'effet d'un cataclysme sur ma propre vie. Comment accepter le fait qu'il puisse tenir des propos du type "si je ne retrouve pas rapidement quelque chose à faire, si je ne parviens pas à donner un nouvel élan, un sens à ma vie, il me semble préférable de quitter cette Terre dans un délai relativement bref".
J'ai passé les 25 premières années de mon existence à entendre mon père se plaindre de tout, de son travail, de la société dans laquelle on vit. Inconsciemment, j'ai rapidement senti qu'il fallait que je parte, loin, afin qu'il ne nous tire pas tous vers le bas. Ma mère a, elle, mis 35 ans à le comprendre, espérant sans doute pouvoir l'aider.
Et pourtant, j'adore mon père et je lui répète souvent que je n'aurais pas aimé recevoir d'autre éducation que celle que j'ai reçue. Oui, papa, on a le droit de faire des erreurs, de se tromper. Mais il y a aussi une chose qui est sûre : je ne pourrai jamais t'aider si tu ne veux pas t'aider. Rousseau le disait lui-même : "La volonté ne se délègue pas". Je ne peux pas vouloir pour toi. Tout au plus, je peux te supporter, t'écouter et je me refuse à rentrer dans le jeu de la victimisation. Je sais, il n'est sans doute pas facile de tout recommencer à 57 ans, mais la vie est tellement belle, offre de telles opportunités qu'il faut tout faire pour la savourer, à chaque seconde.
J'ai l'impression d'être rendu à un stade de ma vie où nous, les enfants, jouons à notre façon le rôle de parents à l'égard de nos propres parents. Oui, papa, je suis loin, à quelques milliers de kilomètres, mais je te soutiens de toutes mes forces dans ces moments difficiles et je suis sûr que tu sauras rebondir. Je n'en suis pas encore rendu là, mais j'aimerais que mes futurs enfants connaissent leur grand-père paternel, un homme sensible, de grande valeur.
Courage.
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